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Quand en mai 2015, Lisa Boostani part en Iran à la rencontre des femmes constituant la scène artistique iranienne, son attention se détourne vite de son objet initial, leur travail, pour se fixer sur ce qui ne pourrait sembler qu’accessoire : leurs vêtements ; et sur les postures que les mannequins adoptent dans les magazines de mode pour les présenter. De fil en aiguille et de constats en recherches, Lisa conçoit en quelques semaines sa série mode « As Tehran to Paris » qui propose un regard singulier sur la représentation des femmes au sein de la société iranienne.

| Sauf indication contraire, toutes les images © Lisa Boostani


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En mai 2015, Lisa Boostani, jeune diplômée des Gobelins, part en Iran dans sa famille paternelle pour rencontrer des femmes de la scène artistique iranienne et s’informer sur leur condition d’artiste. En feuilletant les magazines de mode dans les kiosques à journaux de Téhéran, elle est alors frappée par la manière dont les mannequins féminins sont représentées : « La presse féminine officielle iranienne met en avant une vision très rigide et standardisée de la femme. Les modèles sont souvent utilisées comme des portes manteaux aux expressions figées. », explique-t-elle pour présenter la naissance de son projet.

À cela s’ajoute la fusion d’un respect des traditions et d’un goût pour la mode occidentale qu’elle remarque dans les tenues des femmes déambulant dans les rues de Téhéran : « C’est en observant les femmes dans la rue qui, depuis l’instauration du nouveau régime en 1979 (qui fit de l’Iran une République islamique NDLR.), doivent se voiler que j’ai souhaité mettre en place une série mettant en perspective mode et tradition. ». Elle continue : « ces femmes ont su adapter leur style vestimentaire et portent parfois le voile avec une certaine décontraction et beaucoup de coquetterie. ».

Des observations que la jeune photographe d’origine irano-espagnole choisit alors de mettre en images dans sa série mode « As Tehran to Paris », mêlant fiction et mise en scène de la réalité.



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Pour s’inspirer en vue du shooting, Lisa se tourne vers l’iconographie datant d’avant la Révolution iranienne de 1979. Quel ne fut pas son étonnement que de se retrouver avec, entre ses mains, des images montrant des femmes légèrement vêtues : « Pour réfléchir aux poses et aux attitudes que j’allais demander à la modèle, j’ai fait des recherches sur les anciennes iconographies iraniennes, notamment celles de l’époque Qajar au 19ème siècle. Je fus alors surprise de constater que les femmes persanes du siècle dernier étaient représentées de façon très libre, mettant en avant leur beauté et leur grande sensualité. », nous explique-t-elle par email.



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Persian Qajar painting via



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En réponse à cette découverte, elle s’inspire de ces images en faisant poser sa modèle à la manière de ces femmes d’une autre époque dans une maison Qatar traditionnelle et vêtue de la collection de la designer téhéranaise Naghmeh Kiumarsi. La tension ainsi créée entre différentes traditions et héritages, et un attrait pour l’Occident est alors palpable.



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Dancing Girl with Castanets Origin, artist unknown. Iran, First quarter of the 19th century, Qajar Dynasty via



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Entre mode et documentaire, fiction et réalité, Lisa Boostani nous livre ici un regard singulier sur ce que cela signifie aujourd’hui pour une femme iranienne que de développer une esthétique de soi.



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Vous pouvez consulter les travaux de Lisa Boostani en visitant son site ou son compte Instagram.


Pour découvrir plus d’images mêlant mode et thèmes de société, vous pouvez vous rendre sur notre Feed de curation sur les réseaux sociaux, Une photo de mode qui pense la société, publié en mars 2016.