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Devenir photographe culinaire : entretien avec Anthony Florio

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Cet article fait partie du dossier de la semaine du 05.05.14 : La photo culinaire : c’est bon

Vous connaissez le métier de photographe culinaire ? Oui, ce photographe qui passe plusieurs heures à photographier une tomate pour qu’elle ait l’air magnifique, bien rouge, presque translucide. Bien plus belle que la tomate dans votre réfrigérateur. Le photographe culinaire, c’est celui qui réussit à vous donner faim rien qu’avec une image. Aujourd’hui, OAI13 vous propose de rencontrer Anthony Florio, jeune photographe culinaire autodidacte, basé en Belgique. Son style photographique dynamique lui a permis de se faire une place dans son corps de métier et vivre de sa passion.

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OAI13 : Comment devient-ont photographe culinaire ? Existe-t-il des formations spécifiques ?

Anthony Florio : De façon générale, je ne sais pas s’il y a une « méthode » pour devenir photographe culinaire. Me concernant, c’est arrivé très naturellement après un repas gastronomique (mon premier) il y a 4 ans. Ensuite, je pense qu’il faut surtout une affinité pour la nourriture, et de préférence, la bonne. Il faut également être proche des producteurs, des chefs, des artisans,… C’est une philosophie dans mon travail.

Je ne sais pas s’il y a des formations spécifiques pour ce métier. Chez nous, en Belgique, il existe un Master en Food Design à l’Académie des beaux-arts à Bruxelles, mais il n’est pas essentiellement axée sur la photographie. Certains photographes professionnels donnent des cours de photographie culinaire de façon ponctuelle.

Le plus simple reste de se former en photo et en « food », peu importe la façon, du moment que cela est bien fait. Ma formation, je l’ai faite auprès des chefs qui m’ont énormément transmis.



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Vous êtes autodidacte ? Comment vous êtes-vous intégré sur le marché du travail ?

Oui. J’ai commencé par suivre 2 photographes, chacun une journée. Grâce à eux, j’ai pu développer mes techniques et corriger mon style. Le regard des amis est aussi important.
Je me suis lancé sur le marché grâce à beaucoup de chance, en n’hésitant pas à « défoncer des portes », proposer mon travail, proposer de créer des projets, des suivis… Les affinités font le reste du travail, et la rigueur fait la différence.

La première difficulté que j’ai rencontré, c’est de n’avoir rien eu à montrer quand j’ai commencé dans ce métier. Je n’avais pas de portfolio de photographe culinaire. Ensuite, il faut être pris au sérieux. Les chefs ou les producteurs sont démarchés tous les jours par des centaines de photographes. Ils ne se laissent pas baratiner : ils leur faut du concret. Sans références, ils ne vous prennent pas au sérieux. Maintenant, je comprends ce point de vue qui m’échappait totalement à l’époque. Ce métier est tellement exigeant, qu’ils ne peuvent se permettre aucune erreur. C’est leur image qui est en jeu ! La visibilité qu’ils ont est tellement petite qu’aucun impair n’est permis.

Pour devenir photographe culinaire, j’ai du faire beaucoup de sacrifices. Le matériel coûte une vraie fortune tant il est spécialisé. Au début, il faut TOUT sacrifier pour arriver à avoir un matériel correct, quitte à manger des pâtes ou du riz pendant des semaines ou supprimer les sorties entre amis pendant un long… très long… moment.

Enfin, il faut affronter les préjugés. J’ai pas mal de piercings et ça a été difficile de s’affirmer. Mais les aprioris s’effacent vite quand le travail est bon.

Quelles sont les spécificités de la photographie culinaire par rapport à une autre pratique photographique ?

La rapidité : la nourriture est « vivante », elle se transforme voir disparait. Il faut donc se dépêcher, le setup lumière doit être réfléchit à l’avance et exécuté rapidement, les derniers réglages viennent à la fin.

La réflexion : il faut donner et transmettre l’idée d’une nourriture, les tonalités de couleurs, l’ambiance générale. Tout doit refléter ce qui est en face de nous tout en s’effaçant pour laisser place au plat ou au produit uniquement. Par exemple, un plat de viande doit, dans son ambiance, faire penser à la viande, et non au poisson.

Le respect du produit : dans ma philosophie, j’essaie de gaspiller le moins possible. J’utilise ou récupère ce qui peut l’être. On ne va pas découper une bête entière pour trouver le bon profil de viande.

L’approche : on ne peut pas dire à son « modèle » de bouger, ici nous interagissons avec la nourriture, nous la positionnons, la guidons, du moins… quand elle se laisse apprivoiser.



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Avec qui et comment collabore le photographe lors d’un shooting de plat ?

Avec qui ? C’est assez varié : marques, producteurs, chefs, particuliers, pâtissiers, chocolatier, barman,… Tout dépend également de vos affinités avec l’une ou l’autre discipline.

Concernant les marques, il faut analyser très précisément leur identité, confronter les mood board, ajuster son style, réfléchir aux accessoires, aux tonalités, aux finalités des photos. La prise de vue peut être particulière : avoir un stock d’accessoires ou de matériel c’est génial, mais il faut savoir les marier de façon intelligente et efficace. Il faut surtout penser autrement, ici le produit photographier doit être impeccable pendant plusieurs heures. Il faut donc développer des astuces pour cela. Je sais que certains utilisent des laques, d’autres de faux produits pour de la vrai nourriture. A chacun sa technique. Lors du shooting il faut jongler avec ces éléments, en plus de cuisiner, choisir les fonds, l’angle, et avec tout cela, rester dans le fil conducteur de la marque et transmettre son identité.

Pour les chefs, artisans, producteurs, ils ont déjà un produit fini, il faut simplement l’adapter pour l’image. Et si l’on a une idée de projet, il faut l’adapter, réfléchir, proposer et respecter l’image du concerné.
Pour la mise en place du matériel, c’est différent. Avec des marques, on est souvent plus préparé alors qu’en déplacement, il faut faire comme on peut avec ce qu’on a. Chaque restaurant ou lieu est différent. Il faut être souple. L’essentiel c’est de connaître son matériel et l’utiliser efficacement.



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Vous avez une façon très dynamique de photographier la nourriture. D’où vous vient cette vision ?

Je ne sais pas si elle vient de quelque part en particulier. Je suis autodidacte et j’ai une vision qui n’a pas « été formatée », même si j’aurais aimé avoir cette formation (la technique est très important, cela vous fait réfléchir efficacement et autrement). J’adore tout simplement mettre en scène, voir la photo se composer, deviner le résultat, trouver sans cesse de nouvelles idées. Ce dynamisme, je trouve qu’il rend la photo plus chaleureuse et vivante. J’essaie de composer un tableau à chaque fois, sans forcément arriver au résultat souhaité, mais bien souvent, avec de belles surprises sur ma route.

Lorsque je crée, l’essentiel de ce que va devenir ma photo est déterminée par l’échange que j’ai avec la personne en face de moi. Grâce à l’échange, on devine ou perçoit la limite à ne pas franchir. On apprend à accorder sa vision avec celle de l’autre.

Enfin, j’adore des plats figés, mais j’adore encore plus les voir raconter quelque chose et les animer.



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Comment le métier a-t-il évolué avec Internet ?

Bien sûr, Internet a aussi eu ce côté « négatif » de réduire les commandes papier (dans les magazines).
Mais les réseaux sociaux amplifient et contribuent à notre promotion. Cela nous fait connaître et peut créer une « carrière ». Néanmoins, cette popularité est à double tranchant. Les vols de photos sont plus nombreux, les coups de gueule également. La quantité d’image à disposition de tout un chacun est devenu énorme et on peut en acquérir personnellement, rapidement et presque sans effort.

Par contre, la mise en contact avec les clients est plus spontanée. Faire un projet, trouver les moyens d’y parvenir, des personnes, c’est plus aisé qu’avant, mais il faut persévérer.

Les plateformes de financement participatif sont une bonne solution pour réaliser un projet ambitieux et trouver une communauté adaptée. Des réseaux de photographes se créent et les échanges se font avec plus de facilité, là où avant peu de photographes se parlaient ou gardaient leurs secrets, maintenant l’échange et la convivialité est de mise.

Anthony Florio mène en ce moment une campagne de crowdfunding pour un projet de livre sur l’agriculture et le terroir.

Cliquez ici pour le soutenir.
www.florioanthony.be


Cet article fait partie du dossier de la semaine du 05.05.14 : La photo culinaire : c’est bon

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