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Trop simple, la photographie ?

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Clément Balcon

Mais qu’arrive-t-il à la photographie ? Partout, elle semble au sommet de sa popularité, mais voilà qu’elle se fait très discrète dans un salon aussi prestigieux que le Salon de Montrouge, manifestation consacrée à la jeune création contemporaine. Elle n’en est pourtant pas totalement absente, mais y apparaît sous des formes parfois inattendues. Mutation profonde ou conjoncture passagère ?



Benjamin Renoux
Benjamin Renoux


Pour sentir le souffle de l’art d’aujourd’hui, repérer les talents de demain et prendre une bonne bouffée de jeune création, il suffit de franchir le périph’ pour se rendre à la soixantième édition du Salon de Montrouge (5 mai- 3 juin 2015). Parfait baromètre de l’air du temps artistique, le Salon offre une sélection de soixante jeunes artistes plasticiens : ils sont peintres, sculpteurs, vidéastes, certains pratiquent même la photographie. Mais la plupart du temps ils sont un peu tout ça en même temps. Ils installent, proposent, agencent. Et surtout : ils pensent.

Parmi la sélection, cinq à six artistes peuvent se dire photographes (médium qu’ils utilisent exclusivement ou très majoritairement). L’un d’eux est Safouane Ben Slama. Son texte de présentation, signé François Quintin, commence ainsi : Safouane Ben Slama n’est pas photographe, du moins ne se considère-t-il pas comme tel. Plus loin, l’auteur du texte justifiera ce début : Alors quelle est cette distance que l’artiste exprime d’avec son médium ? Peut-être est-ce parce que les images de Safouane Ben Slama n’exhibent pas le fréquent maniérisme photographique. On peut imaginer quel type de photographies l’auteur vise avec ce mot de maniérisme : des photos à la mises en scène travaillée, très retouchées, avec une lumière sophistiquée. De la « belle photo ». Mais le raccourci est tout de même un peu raide : si on ne fait pas de telles photos, c’est alors qu’on n’est pas photographe…



Safouane Ben Slama
Safouane Ben Slama


Plus loin encore dans le texte, il est dit que la photographie de Safouane Ben Slama est la simple conséquence de sa façon d’être au monde, de le traverser. Safouane, je vais vous le dire : je crois bien que vous êtes un photographe. Allez, ce n’est pas si grave.

Ce qui apparaît surtout chez les jeunes artistes présentés à Montrouge pratiquant la photographie, c’est qu’ils ne l’utilisent pas seule, mais la croisent ou la complètent avec d’autres médiums : Alexandre Eudier y adjoint une tapisserie, Terence Pique, une vidéo. Benjamin Renoux travaille la photographie en la positionnant en sculpture.Et surtout, il mêle la photo à l’image animée (écho discret des travaux de certaines œuvres d’Oscar Munoz présentées l’année dernière au Jeu de Paume), faisant subtilement varier la mise au point à l’intérieur des images. Un travail envoûtant.



Benjamin Renoux
Benjamin Renoux


De nombreuses vidéos à voir ici : vimeo.com

De directement photographes, ne resteraient peut-être alors que Mélanie Feuvrier et ses énigmatiques photos d’outils et de postures exercées pendant le travail (NB : montrer une seule photo de son travail n’aurait pas de sens, il faut se rendre à Montrouge pour voir la série entière). Et le superbe projet sur l’univers de l’adolescence et sa représentation mené par Bénédicte Vanderreydt en Palestine, au Congo ou en Belgique (complété d’ailleurs par une vidéo et une bande son).



Bénédicte Vanderrreydt
Bénédicte Vanderrreydt


Expliquons-nous : il n’est pas question ici de prôner une quelconque pureté du médium. Que la photographie s’hybride avec d’autres médiums, ce n’est pas nouveau, et pratiqué depuis une trentaine d’années. Cet enrichissement de la photo par d’autres médiums est d’ailleurs largement accueilli par les manifestations consacrées à la photographie. La question devient plutôt : pourquoi semblerait-il que la photo seule ne suffise plus et qu’elle soit même un peu ostracisée (voir les mots de Safouane Ben Slama) ? Serait-ce parce que la photographie a déjà ses festivals, ses institutions et ses circuits de diffusion ? Ou parce qu’elle est devenue une pratique plus marginale chez les étudiants des écoles d’arts ?

Il y a autre chose : le dessin et la peinture, eux, se réfèrent de plus en plus à la photographie. Les oeuvres de Clément Balcon, Enora Denis et Thomas Barbey sont soutenues par le réalisme photographique. Elles se présentent en écart à ce réalisme. La peinture de Caroline Ebin fait aussi écho à la technique photographique. Et que dire des œuvres de Vincent Gautier, transposition kitsch et drôlissime d’instantanés qui lui ont inspiré le terme de réalisme smar ? Entre maniérisme et réalisme, nos jeunes artistes font décidément balancer la photo et ne savent pas toujours par quel bout la prendre.



Clément Balcon
Clément Balcon



Thomas Barbey
Thomas Barbey


Alors, retrouvons le plaisir simple de photographier. D’autant plus que le duo Zim & Zou présente ses irrésistibles productions à Montrouge, avec de non moins irrésistibles appareils photos. Vive le réel !



Zim & Zou
Zim & Zou