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Emmet Gowin à la Fondation Henri Cartier-Bresson

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Elle vient de commencer et vous avez jusqu’à fin juillet pour aller la voir : l’exposition Emmet Gowin à la Fondation Henri Cartier-Bresson offre l’occasion d’embrasser l’ensemble de l’œuvre du photographe américain. Une belle rétrospective et un moment suspendu, entre portraits de la femme aimée et paysages troublants.

Note de la rédaction : ★★★★☆


Vos raisons d’y aller
  • Vous aimez la photographie noir et blanc et vous êtes sensible aux tirages de qualité
  • Vous aimez les univers intimes, familiaux
  • Vous aimez la photographie de paysage
Vos raisons de vous en passer
  • La photographie intimiste vous ennuie
  • Vous n’avez pas beaucoup de temps devant vous

01_Emmet Gowin_Edith, Danville (Virginie), 1963©Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New YorkEdith, Danville (Virginie), 1963 © Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New York

Le photographe

Grimpez jusqu’au troisième étage de la Fondation HCB : dans une vidéo (malheureusement non sous-titrée et pas toujours audible), Emmet Gowin parle de son travail en compagnie de sa femme Edith. On y découvre un homme au visage d’une grande douceur et aux yeux incroyablement vifs, capable de montrer son émotion. Et c’est avec des larmes dans les yeux qu’il évoque son père, pasteur méthodiste, et de ce que lui a donné cette éducation pourtant stricte : un regard qui accueille tout, le bon comme le mauvais. Emmet Gowin est né en 1941 en Virginie. Sensible à la nature qui l’entoure, il a d’abord étudié le dessin avant de se consacrer à la photographie. En 1960, il rencontre Edith Morris, qui deviendra sa femme et reste aujourd’hui encore son modèle, sa muse, son inspiration. Il acquiert sa notoriété à New York dans les années 1970 puis enseigne à Princeton University. C’est aussi à cette époque qu’il porte son attention vers les paysages. Ces dernières années, il a travaillé sur les insectes, et plus particulièrement les papillons de nuit.

02_Emmet Gowin_Edith, Chincoteague Island (Virginie), 1967©Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New YorkEdith, Chincoteague Island (Virginie), 1967 © Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New York

L’exposition

Les salles de la Fondation sont sobres et calmes, invitant à une visite et un regard lents. Un rythme qui sied à merveille au travail d’Emmet Gowin, présenté en deux parties bien distinctes : au premier, les portraits — d’Edith, de sa belle-famille, d’enfants —, au deuxième, les paysages et les papillons de nuit. L’accrochage est classique, linéaire et chronologique. Et si l’on ressent, en entrant, un léger ennui de ce côté, il est vite balayé lorsqu’on se plonge dans les images. Edith, donc. L’être dont il photographie inlassablement le visage au fil des années, mais aussi le corps nu. Amour, jeu, confiance, liberté : outre le sens de la composition et du cadrage de leur auteur, les images reposent sur l’extraordinaire relation entre le photographe et son modèle. Emmet accueille l’instant, Edith se laisse capturer, les yeux baissés ou, plus souvent, défiant du regard l’objectif, se livrant sans pudeur mais pas impudique : ainsi de cette photographie d’elle nue entre deux pièces de leur maison, que l’on se plaît à imaginer qu’elle a été prise spontanément par un Emmet ébloui, ou celles, d’une poétique insolence, où elle dévoile ses seins derrière sa grand-mère qui ne se doute de rien, et où elle pisse debout dans la grange. Au fil des tirages, on la voit vieillir et pourtant, rester la même, sans doute parce qu’éternellement inspirante pour celui qui la photographie.

03_Emmet Gowin_Edith, Noel, Danville (Virginie), 1971©Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New YorkEdith, Noël, Danville (Virginie), 1971 © Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New York

Changement d’étage, changement de registre. Voici les paysages. Les premiers, en Europe, sont tout simplement beaux. Et le photographe nous transmet l’harmonie qu’il a su y voir. Mais Emmet Gowin a ensuite choisi de documenter des terres malmenées par l’homme. A mesure que l’on progresse dans la salle, les cadrages basculent dans l’horizontalité jusqu’à devenir aériens, les photos se font abstraites, deviennent tableaux. Happé par ce qui semble être des merveilles de la nature ou d’incroyables œuvres d’art nées de l’imagination de géants, on revient à une réalité plus brutale en se penchant sur les légendes : « Erosion sur le versant d’une décharge de résidus de minerai d’argent près de Bayard, comté de Grant (Nouveau-Mexique), 1987 » ou « Bassin de rétention d’effluents, mines de Chemopetrol, Bohême (Tchécoslovaquie), 1992« . Routes, ravins, sillons : l’homme est effectivement, et malheureusement, passé par là. Et de voir alors dans ces images quasi graphiques les métaphores que suggèrent un cratère d’un noir abyssal ou des crevasses vérolant la terre. Mais Emmet Gowin n’en perd pas pour autant la foi : « Même lorsqu’un paysage est profondément défiguré ou brutalisé, il brûle encore d’une vive animation intérieure », peut-on lire au mur.
L’exposition se termine par les étonnantes images de papillons de nuit et un ultime portrait d’ « Edith au Panama, masque de feuilles, 2004. Tirage viré à l’or sur papier salé Roscombe fait main. » Ah oui, parce que nous avons oublié de vous dire : Emmet Gowin est non seulement un grand photographe, c’est aussi un tireur hors pair.

Emmet Gowin
Jusqu’au 27 juillet
Fondation Henri Cartier-Bresson
2, impasse Lebouis
75014 Paris
www.henricartierbresson.org

Du mardi au dimanche de 13 h à 18 h 30
Le samedi de 11 h à 18 h 45, nocturne le mercredi jusqu’à 20 h 30.

Plein tarif : 7 € ; tarif réduit : 4 €.
Gratuit en nocturne le mercredi (18 h 30 – 20 h 30).

04_Emmet Gowin_Edith et Elijah, Newtown (Pennsylvanie), 1974©Emmet Gowin, Courtesy Pace MacGill Gallery, New YorkEdith et Elijah, Newtown (Pennsylvanie), 1974 © Emmet Gowin, Courtesy Pace MacGill Gallery, New York

05_Emmet Gowin_Edith, Newtown (Pennsylvanie), 1994©Emmet Gowin, Courtesy Pace MacGill Gallery, New YorkEdith, Newtown (Pennsylvanie), 1994 © Emmet Gowin, Courtesy Pace MacGill Gallery, New York

06_Emmet Gowin_Edith au Panama, double Edith et Rothschildia, 2003©Emmet Gowin, courtesy PaceMacGill Gallery, New YorkEdith au Panama, double Edith et Rothschildia, 2003 © Emmet Gowin, courtesy PaceMacGill Gallery, New York

07_Emmet Gowin_Reserve nucleaire de Hanford, pres de Richland (Washington), 1986, irage argentique©Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New YorkRéserve nucléaire de Hanford, près de Richland (Washington), 1986, tirage argentique © Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New York

08_Emmet Gowin_Terrain de golf en construction, Arizona, 1993©Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New YorkTerrain de golf en construction, Arizona, 1993 © Emmet Gowin, courtesy Pace MacGill Gallery, New York