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Je m’en suis aperçue lors de la vingt-neuvième édition de la transmediale, festival de culture digitale de Berlin, en février dernier : une image, qu’elle soit fixe ou animée, peut imprégner nos croyances et nos connaissances à une vitesse que peu d’autres médiums sont capables d’avoir (l’expression « voir, c’est croire » n’existe pas pour rien).

C’est donc d’un regard inquiet tourné vers la production actuelle d’images que de nombreux acteurs participant à l’événement ont pointé la violence du spectre visuel qui nous entoure et les conséquences découlant de sa réception. Le paroxysme ayant probablement été atteint avec cette vidéo du gouvernement australien, visionnée à plusieurs reprises lors de conférences :




Ces images, ainsi que les séries télévisions, publicités et shows spectaculaires, font désormais partie de notre expérience visuelle quotidienne. En constituant une des faces les plus visibles de l’iceberg visuel actuel, elles contribuent à former des références largement partagées.

Parmi les stratégies mises en oeuvre par les artistes et activistes présents pour questionner ou se réapproprier ces images, une est revenue à plusieurs reprises : celle de les détourner pour reconfigurer le langage visuel dominant. À la frontière entre l’art et l’activisme, cette pratique du détournement semble avoir le vent en poupe. Héritière du « culture jamming » (ou l’art de saboter un média en utilisant les mêmes canaux de communication), elle permet de se distancer de l’objet culturel initial en en transformant l’usage ou en sabotant le(s) message(s) véhiculé(s) pour, pourquoi pas, l’imaginer autrement. Parce que le détournement culturel visuel est aussi une culture. Une culture de la vigilance.

Focus sur trois de ces actions et évènements découverts à la transmediale.





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Image par transmediale // design akademie berlin

« Still be here » : Hatsune Miku, une icône virtuelle sans talent personnel par Nathalie Hof

Les 5 et 6 février derniers, l’artiste Mari Matsutoya, les artistes digitaux LaTurbo Avedon et Martin Sulzer, le producteur Laurel Halo, ainsi que le chorégraphe et artiste visuel Darren Johnston organisaient deux concerts de Hatsune Miku à la Maison des cultures du Monde de Berlin dans le cadre de la transmediale et du festival de musique et d’arts visuels CTM. Et ce, avec un objectif : faire du spectacle le lieu même de sa subversion.





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“1,001 Blagues” © Arabian Street Artists

Trois artistes ont insufflé à « Homeland » ce qui lui manquait : l’art de la subversion par Nathalie Hof

L’épisode 2 de la saison 5 de la série américaine « Homeland » diffusé aux Etats-Unis en octobre 2015 semble presque normal. Nous avons bien dit presque. Sur les murs du camp fictif de réfugiés syriens ayant servi de décor au tournage, des graffitis en langue arabe saluent la série en des termes peu valorisants : « Homeland est raciste », « Homeland est une blague, et elle ne nous a pas fait rire », « #blacklivesmatter », « Homeland est une pastèque » – pastèque, ‘batikh’ en arabe, est synonyme de non-sens en Égypte. Un sabotage visuel de grande ampleur qui a capté l’attention de millions de spectateurs et des médias du monde entier.





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Still de la vidéo de sensibilisation « Werde Fluchthelfer.in » du © collectif Peng

Une campagne de sensibilisation à la désobéissance civile utilise les codes visuels de publicités automobiles par Nathalie Hof

Pour agir face à la crise des réfugiés et à la fermeture progressive des frontières européennes, le collectif Peng a lancé la plateforme fluchthelfer.in. L’objectif, inciter les automobilistes à prendre des réfugiés comme passagers pour les aider à passer la frontière allemande et leur donner quelques conseils pratiques et des outils juridiques pour pallier les risques judiciaires. En page d’accueil du site, une vidéo qui nous emmène en voiture Volkswagen dans les montagnes autrichiennes…



Image de une : « Still be here » – image prise par CTM Camille Blake.