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Il y a quelques mois, Marco Tiberio et Maria Ghetti publiaient « Immorefugee », un livre photo qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un journal immobilier, à la différence près que les propriétés vacantes sont des maisons de fortune construites par les réfugiés de la « Jungle de Calais », aujourd’hui démantelée.

Toutes les images, © Marco Tiberio et Maria Ghetti / DEFROST





Avec comme gage de qualité une petite pastille jaune sur laquelle se détache en noir « Best Offers » sur la page de couverture, « Immorefugee » est un livre à l’humour noir qui fait rire jaune. Les pages de ce journal immobilier pour la ville de Calais présentent des habitations faites de bâches, de tissus, et de planches de bois en des termes tels que « bon investissement », « superbe affaire » ou encore « finitions de haute qualité ». Un « super duplex » consiste ainsi en deux tentes identiques côte à côte supportées par une fragile structure en bois. Et pour cause, ces constructions se trouvaient dans la « Jungle de Calais » qui, du début des années 2000 jusqu’au 24 octobre 2016, a vu passer des dizaines de milliers de migrants sur leur route pour l’Angleterre.

La juxtaposition d’univers si différents déroute au premier abord, et certains commenceront par se demander si le mauvais goût n’occuperait pas la première place du podium.






Et bien la réponse est non.

En 2015, Marco se rend à Calais et entreprend une topographie des lieux. Construction après construction, il les photographie frontalement sous un beau soleil d’été et sans habitants. Ce qui l’intéresse est de montrer comment on y vit, et avec Maria, il cherche une forme qui donnerait aux images la force visuelle qui arrêtera nos regards et amorcera notre réflexion : « Marco a pris les photos à Calais et ensemble nous avons entrepris des recherches sur ces problématiques, se rappellent-ils par e-mail. Nous avons alors réalisé qu’il y avait tellement de travaux sur la migration qui s’ajoutent à tout le matériel que nous voyons dans les journaux, à la télévision, sur Internet, etc., que nous ne leur prêtions presque plus attention. Nous avons donc décidé de présenter le travail d’une manière inhabituelle de sorte que les gens s’y arrêtent au moins pour accorder un second regard. ».




Cette manière inhabituelle sera le journal immobilier, ce magazine qui nous est familier et que l’on feuillette avec attention ou que l’on consulte sur Internet quand on désire trouver un toit qui nous corresponde et qui nous glisse ici dans la peau de migrants qui, à défaut de structures d’accueil suffisantes, ont bâti avec les moyens du bord leurs propres logements provisoires.





Et si la « jungle » est aujourd’hui démantelée depuis octobre 2016, l’indignation qui sous-tend le livre demeure car il nous rappelle, au-delà de Calais, que tout un chacun a le droit à un toit digne, et témoigne des inégalités qui se creusent dans nos paysages, du parcours de personnes qui se retrouvent face à des murs au lieu de portes, des espoirs auxquels on s’accroche, et de comment on tente de survivre malgré tout.






« Immorefugee » de Marco Tiberio et Maria Ghetti est publié par le studio des deux artistes, DEFROST Studio. Vous pouvez vous le procurer ICI pour 15€.