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Du costume au suicide : le chômeur représenté par les banques d’images

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Cet article fait partie du dossier de la semaine du 21.04.14 : Le chômage et l’image

Les banques d’images abreuvent la publicité et les médias de photographies lambda sur des situations banales. Et pourtant, elles ont un pouvoir souvent insoupçonné. Dans le cadre de notre semaine sur le non emploi, on a décidé de taper le mot « chômage » dans plusieurs banques d’images. Quelles représentations du chômeur véhiculent-elles ? Réponse en images.


Savez-vous ce que c’est qu’une banque d’images ? Il s’agit d’un site qui stocke des milliers d’images illustrant des situations de la vie courante. Les entreprises et les médias s’en servent pour illustrer des thèmes de société. Souvent commercialisées à des prix assez bas, ces photos doivent pouvoir être vendues en de nombreux exemplaires pour être rentables. Elles doivent donc être simples, facilement compréhensibles par tous. Aujourd’hui, nous nous intéressons à la représentation du chômeur dans ces banques d’images. Simplifiée à l’extrême, elle ne fait appel qu’aux clichés que la société véhicule. Sans nuance, sans finesse, on découvre un concentré d’a prioris à travers des photographies que l’on voit sans voir et qui alimentent notre inconscient visuel.

Pour des raisons de droits, cet article a été réalisé à partir des images gratuites de Getty. Mais voici des liens vers d’autres banques d’images où vous observerez les mêmes catégories de photographies : fotolia.com et shutterstock.com


Le chômeur, du costume au suicide

L’homme chômeur est toujours en costume. Il s’assied par terre. Souvent sur des escaliers ou une voie de chemin de fer. Son état de désespoir profond le mène souvent dans des endroits vides comme le désert. Il y capte le wi-fi. Mais finalement décide de jeter son ordinateur.





Pour montrer qu’il est chômeur, il sort souvent ses poches vides de son pantalon.



Bien sûr, quand la situation de l’homme chômeur s’éternise, il se retrouve sous l’eau. Il regarde ses factures au fond d’une piscine. D’où vient son masque de plongeur ? On se le demande encore.



Passé les premiers mois de chômage, le chômeur quitte son costume de cadre pour enfiler sa tenue de chômeur longue durée : la barbe, le marcel et le caleçon. À ce stade, le chômeur est souvent gros. Il ne quitte pas son canapé. Il regarde la télé ou le journal. Ces deux seules activités le maintiennent éveillé.







Le jeune diplômé ne quitte jamais sa toge. Elle lui sied si bien. Quand il ne brandit pas une pancarte indiquant un message fort comme « Embauchez-moi », il fait face à des labyrinthes de gazon, se demandant quel chemin il va pouvoir emprunter.






Mais le chômeur est divers. Oui. Il peut se matérialiser sous d’autres formes comme le SDF, le jeune en road-trip, le voleur de voiture ou encore l’artiste. La société n’en veut pas. Il ne travaille pas et vit aux crochets des autres, les gens normaux.








Il vaut mieux qu’il se suicide ou qu’il meurt sous une tapette à souris. La vie ne vaut d’être vécue sans travail. Et au moins, il se fera utile en baissant le taux de chômage.





De l’image au cliché

On prête souvent peu d’attention aux photographies vendues dans les banques d’images. Considérée comme de la photographie de basse qualité, on ne les regarde pas et pourtant elles sont partout : dans la publicité que vous voyez dans le métro, dans vos présentations Powerpoint au bureau, dans l’article que vous lirez sur la difficulté des jeunes à s’insérer sur le marché de l’emploi. Les photos de banques d’images ne sont pas anodines et véhiculent toutes sortes de clichés influençant fortement notre société.

Aujourd’hui, en temps de crise, le chômeur est perçu comme un parasite. Être au chômage est tellement dramatisé qu’on en vient à représenter cet être marginal comme un suicidaire, profiteur, flemmard, désespéré. Et pourtant, en France, le taux de chômage atteint les 10 %. Comment une société peut-elle avancer quand elle considère que 10 % de sa population active est marginale ? Nous absorbons ces clichés passivement, sans même y faire attention. L’image est tellement puissante qu’on l’assimile beaucoup plus rapidement qu’un discours politique ou un article de journal.

Il est donc important de prendre conscience de ce flux d’images que nous absorbons quotidiennement. Il est important de les lire et les analyser, quelle que soit notre opinion sur la question. La photographie a beaucoup plus de pouvoir que ce que l’on croit, même quand elle sort de banques d’images de basse qualité.


Cet article fait partie du dossier de la semaine du 21.04.14 : Le chômage et l’image