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Mr et Mme Zhang sur Arte, un film de Fanny Tondre et Olivier Jobard

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Le 16 Mai 2013, par Molly Benn

Je rencontre Fanny Tondre il y a deux ans lorsqu’elle présente son projet Mr et Mme Zhang à la Bourse du Talent Photographie : une rencontre avec un coupe d’immigrés chinois non régularisés qui décident de retourner en Chine. À ce moment là, elle présente une série photo, un petit film de quelques minutes.

Elle me parle d’un projet de film… Le 23 mai prochain, un 52mn sera diffusé sur Arte, et c’est ce film, ce projet porté pendant près de deux ans : Mr et Mme Zhang, retour à Wenzhou. Réalisé avec Olivier Jobard, co-produit par Arte et What’s Up film, primé au Figra 2013, ce documentaire est le premier film de Fanny Tondre. Le projet Mr et Mme Zhang est également édité dans la nouvelle collection 24×36 édité par Rudy Nimsguerns et Arnaud Brunet (dont je vous parlerai plus longuement bientôt).


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© Fanny Tondre


Age13 : Quel chemin as tu parcouru depuis la Bourse du Talent jusqu’à ce documentaire ?

Fanny Tondre : Ce film a évolué à côté de moi en parallèle des photos qui ont été exposées à la Bourse du Talent …Aboutir à la réalisation de ce film a été une évidence. J’ai rencontré M. et Mme Zhang fin 2009. Je couvrais une manifestation de travailleurs sans papiers chinois, dans le cadre d’un travail que je réalisais autour de la communauté chinoise clandestine depuis plusieurs années. M. et Mme Zhang venaient de décider de passer de l’ombre de la clandestinité à la révolte pour être régularisés. Ils ont voulu dévoiler leur visage et me parler de leur quotidien.

Je suis allée chez eux régulièrement pour les photographier…et au bout d’un moment, j’ai eu l’envie de les filmer : leur vie nécessitait une trame, une couleur. Et surtout, je voulais entendre leur voix. Leur donner la parole.

Olivier Jobard, m’a beaucoup poussée à me lancer dans ce projet de tournage. Très naturellement, nous nous sommes dit que nous allions filmer à deux caméras. Cette rencontre était un vrai cadeau. Nous nous devions de mener ce projet au bout, même sans soutien financier. Alors pendant deux ans, entre la France et la Chine, nous avons assisté à la vie de M. et Mme Zhang : leur vie de travailleurs, leur vie de couple, leur vie de famille, leur vie dans la communauté… Devenant leurs confidents.

Finalement, forts de nos deux ans de rushes, nous avons pris contact avec un producteur. Il a proposé le film à Arte qui nous a soutenu dans cette aventure. Nous avons alors commencé à travailler sur la narration, l’écriture et le montage du film pendant près d’un an. Nous avons eu beaucoup de chance : cette belle et longue aventure s’est déroulée de manière très linéaire, avec beaucoup de bonheur.


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© Fanny Tondre


Age13 : Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées pour la réalisation de ce documentaire ?

F-T : Bien sûr, dans ce film, la principale difficulté a été celle de la langue. Monsieur et Madame Zhang parlent très peu le français et moi, je comprends un peu le chinois, mais pas assez pour entretenir une conversation ! Par ailleurs, je ne comprends pas un mot du wenzhouhua, leur dialecte … Il y a eu beaucoup de moments où nous sommes venus filmer sans parler avec eux …

Ils travaillaient, téléphonaient, discutaient avec leurs voisins sans se préoccuper de nous. Nous avons donc pu filmer beaucoup de séquences spontanées, prises sur le vif, souvent au hasard, instinctivement… C’est seulement lorsque j’ai retranscrit tous les rushes avec notre traductrice, je me suis rendu compte de la richesse de ces moments.

Et puis, une autre difficulté que nous avons dû aborder s’est révélée lors de l’écriture et du montage : nous souhaitions trouver la bonne distance pour raconter l’histoire des Zhang, très intime, mais aussi le bon équilibre pour faire passer un message social et politique sur leur situation.


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© Fanny Tondre


Age13 : Comment les as tu surmontées ?

F-T : Notre principale chance a été de ne pas être contraint par le temps, aussi bien à la prise de vue qu’ après, lors de la traduction et du montage. Par ailleurs, nous avons eu une grande liberté quant à l’écriture et à la narration du film (le choix de mettre en avant le carnet intime de Mme Zhang, celui de ne pas avoir de commentaires, le sous-titrage, les barres-scope…)

Ce film s’est fait en totale confiance vis à vis de M. et Mme Zhang et de leurs amis, mais aussi avec une grande liberté avec les producteurs et Arte.

Age13 : Qu’est-ce que ça t’apporte d’avoir pu raconter l’histoire de Mr et Mme Zhang ?

F-T : Raconter l’histoire de M. et Mme Zhang, c’est tout d’abord rendre un hommage à ce couple si merveilleux. Ils se sont confiés complètement à nous, nous dévoilant leur vie, mais aussi leurs pensées les plus profondes. Il se dégage de leur personnalité tant de sensibilité, de courage et d’amour ! … J’espère avoir réussi à faire passer ces émotions.

A travers eux se dessine le quotidien d’une communauté qu’on n’a pas l’habitude de voir dans l’intimité. Ce film apporte j’espère quelques clés et donne à réfléchir sur la situation des travailleurs sans-papiers chinois. Et puis, ils nous éclairent aussi sur une réalité géopolitique : l’augmentation des retours au pays, le bouleversement de la Chine, l’évolution des mentalités.

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© Fanny Tondre

Age13 : Que vas tu retenir de cette aventure ?

F-T : Ce film est avant tout l’histoire d’une rencontre très précieuse entre M. et Mme Zhang et nous. Avoir pu aboutir ce projet est bien sûr une grande fierté. Et avoir pu le faire avec Olivier et une équipe avec laquelle nous avons les mêmes engagements et la même sensibilité est une grande chance. J’ai découvert le plaisir de travailler autour de l’écriture, du montage, de la construction d’une histoire, dans la durée. Il y aurait bien sûr eu des choses à améliorer, à modeler différemment, à approfondir…mais je trouve que c’est un joli début pour un premier film ! Nous avons d’ailleurs une nouvelle idée de projet dans nos tiroirs … et je me réjouis de m’y atteler !