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REPORTAGE | le XIIIe et le Street Art, entre contestation et politique culturelle

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Maud Lecompte est étudiante aux Gobelins. Elle nous a proposé un reportage sur son quartier, le XIIIe arrondissement et le street art. Elle est partie à la rencontre du maire d’une part et des street artistes de l’autre et vous propose ci-dessous un aperçu de ce qui se passe dans ce coin de Paris.
Texte et images par Maud Lecompte

Le XIIIe est un arrondissement de Paris relativement récent (1860), à la tradition ouvrière et industrielle, avec un urbanisme moderne important. Depuis quelques années, il désire aussi faire peau neuve de son image, pour ne plus être uniquement considéré comme le quartier « chinois » aux portes de la ville, mais comme un arrondissement ouvert à toutes sortes de cultures contemporaines. La mairie du XIIIe s’est saisie du street art pour en faire la pierre angulaire de sa politique culturelle.



© Maud Lecompte

Le street art, un élément central dans la politique culturelle de l’arrondissement

La Mairie affirme sur son site internet que le Street Art permet au XIIIe de se différencier des autres arrondissements parisiens : « Le Street Art est en pleine expansion et connaît aujourd’hui une reconnaissance artistique internationale. Paris, ; grâce à cela, le XIIIe arrondissement, s’inscrit désormais dans la lignée de New-York ou Lisbonne. »
Cette politique artistique conduite par le maire, Jérôme Coumet, « est résolument engagée dans la promotion de la culture dans toute sa diversité ». Pour lui, « le Street Art est un formidable moyen de rendre l’art accessible au plus grand nombre tout en embellissant l’environnement urbain dans lequel nous vivons ».
Bien que le maire soit un amateur d’art, les artistes auxquels les commandes sont faites sont invités par la galerie Itinérance, dont Mehdi Ben Cheikh est le directeur.
Cette belle galerie s’intègre dans le tissu urbain de la partie du XIIIe en pleine expansion économique, architecturale et culturelle, entre la Bibliothèque nationale de France et les Frigos. La localisation de cet endroit est évidemment particulièrement emblématique. Grâce aux recherches de cette galerie, des artistes du monde entier sont représentés dans le XIIIe.
C’est ensuite la mairie et les propriétaires des immeubles/appartements qui choisissent entre plusieurs propositions d’un artiste présenté et qui donnent l’accord final pour l’exécution d’une fresque sur un mur.
En égayant ses logements sociaux, la mairie voudrait faire du XIIIe un arrondissement avant-gardiste et original, reconnu internationalement.

Street Art dans le 13eme

© Maud Lecompte

Le street art, un art insolent

Mais d’un autre côté, beaucoup d’artistes du XIIIe s’attristent de cette institutionnalisation du Street Art. Édulcoré et décoratif, il aurait perdu sa dimension contestataire. Des murs ont été aménagés pour laisser libre cours à la créativité, mais leurs dimensions sont souvent moins importantes que celles des panneaux publicitaires…
Les street artistes, grapheurs et artistes au sens large n’ont pas attendu l’évolution de communication culturelle de la mairie pour s’approprier la rue.
Il existe depuis longtemps une grande tradition de l’art prohibé dans le XIIIe. Les Frigos, anciens squats des entrepôts frigorifiques de la SNCF, transformés par les artistes eux-mêmes en logements et ateliers depuis les années 80, ont été rachetés en 2001 par la mairie.
Les habitants des Frigos n’ont pas vu la révolution artistique dont se vante la mairie. Pour eux, aucun changement n’est intervenu depuis plusieurs années. Depuis le rachat des Frigos, il y a quatorze ans, aucune rénovation importante n’a été entreprise par la mairie. Certains vont même jusqu’à penser que la politique municipale est d’attendre que la dégradation des bâtiments s’accentue de manière irréversible pour ne conserver que la structure, en déloger les artistes qui résistent depuis des années et transformer le lieu en espace à la mode, voire commercial.

Street Art dans le 13eme

© Maud Lecompte

Quant aux grapheurs, ils disent ne pas avoir noté de différences remarquables durant ces cinq dernières années : ils font toujours aussi attention et ne sortent que la nuit ou très tôt le matin pour aller poser leurs marques. Cela étant, il reste encore beaucoup de lieux et murs d’expression tolérés, où les grapheurs viennent s’exprimer librement sans avoir besoin d’autorisation, comme à la Poterne des Peupliers ou à la Butte-aux-Cailles.
Bien sûr, les initiatives prises par la mairie pour « ouvrir l’art au plus grand nombre » ne peuvent être que bénéfiques. De nombreux immeubles du XIIIe se colorent au gré des bombes de peinture aérosol, métamorphosant de manière onirique le paysage urbain. De plus, ce quartier méconnu où peu de touristes s’aventuraient, est en train de devenir un endroit à découvrir. La mairie à bien compris le bénéfice qu’elle pouvait tirer à la fois de la renommée des artistes et des lieux.
La politique culturelle mise en place est en train de porter ses fruits.
Mais ne risque-t-on pas d’oublier que bien avant d’être officiellement autorisé, le Street Art est un art spontané, critique et dénonciateur ? Son rôle n’est pas « d’embellir l’environnement », selon les mots du maire, mais de rythmer et faire parler la ville par petites touches insolentes, indisciplinées et subversives.

Street Art dans le 13eme

© Maud Lecompte

Street Art dans le 13eme

© Maud Lecompte

Street Art dans le 13eme

© Maud Lecompte

Street Art dans le 13eme

© Maud Lecompte

Street Art dans le 13eme

© Maud Lecompte

Street Art dans le 13eme

© Maud Lecompte

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© Maud Lecompte

Reportage par Maud Lecompte, texte et images

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