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Projeter facilement ce que vous voulez sur n’importe quel support avec une qualité d’image indéniable. C’est ce que permet le projecteur VISIO, mobile et facilement transportable, imaginé par Clément Briend. Conçu et utilisé pour ses projets perso depuis quelques années, le photographe a lancé la semaine dernière une campagne sur Kickstarter afin de pouvoir le proposer à la vente, en kit ou déjà monté. Son ambition, initier une nouvelle pratique visuelle.



Projection lors d’un workshop organisé lors du Mois de la Photographie de Minsk. Août 2016, © Clément Briend


Depuis mardi dernier, un curieux objet est venu s’ajouter à la liste des projets en attente de financement sur Kickstarter. Ça ressemble à une grosse lampe de poche et ça se tient comme un revolver, à la différence que ça se charge avec des diapos et que, quand on l’active et le dirige vers un cible, un faisceau de lumière projette une image.

Cet objet, c’est un photo projecteur analogique à main de taille réduite que le photographe Clément Briend a imaginé en mettant bout à bout lampe de vélo, batterie, accessoires photographiques, bague de filtres, bonnette, objectif 24x36mm et une bague porte diapositive spécialement fabriquée sur mesure pour compléter le dispositif. Clément a construit cet appareil nomade pour ses propres projets, et souhaiterait aujourd’hui répandre son usage en lançant une campagne de financement participatif qui permettrait de faciliter sa production. Car si les plans sont disponibles sur son site, ces appareils restent difficilement reproductibles. Trouver une quinzaine de pièces compatibles, sachant que les fabricants en changent parfois le design (ce qui demande de revoir les plans)… pas pratique.

On a discuté par Skype avec Clément pour discuter enjeux de la photo projection et des potentiels usages de son VISIO.


Le VISIO, bricolage Do It Yourself

Le projecteur VISIO, Clément y travaille depuis maintenant une dizaine d’années, après moult bricolages et autres projecteurs analogiques maison : « Depuis le début de ma pratique photo, ma démarche est de transformer les choses, les espaces que je photographie. Très rapidement je me suis dis : bon allez, allons au bout de l’idée, qu’est-ce qui permet de transformer le plus par l’image ce que l’on a sous les yeux ? » La projo. Mais quand il jette un coup d’oeil à l’offre existante, ça coince : les projecteurs diapo sont lourds, encombrants et demandent beaucoup d’électricité ; les vidéo-projecteurs ? Fragiles, et la qualité des images fixes n’est pas satisfaisante : « j’ai constaté que depuis vingt ans on avait arrêté de fabriquer des projecteurs, mais que si on se servait des technologies actuelles, associées à la qualité d’image de la diapo, on pouvais produire un petit projecteur vraiment dédié à la photo qui, en plus, peut être mobile ».



GIF issu de la campagne Kickstarter du VISIO présentant l’ensemble des pièces et l’objet final, © Clément Briend


Aussitôt dit, aussitôt fait. Au centre de l’îlot des projecteurs, Clément plante son drapeau de pirate : il cherche à comprendre comment fonctionne la projection et construit, à partir de pièces existantes, un projecteur qui lui ressemble. Une position entre le hacking et le Do It Yourself : « Ces appareils là, ils ne sont pas fabriqués… sauf si tu te les fabriques toi-même. ». LE VISIO était né.


Derrière la projection photo in situ, une position : projeter sur le monde les représentations qu’on en a

Si Clément est photographe, prendre une image pour la retrouver sur papier glacé ou encadrée ne l’a jamais intéressé : « ce qui m’intéresse, c’est de faire sortir ce que les images ont dans le ventre, et je pense qu’il y a beaucoup plus à faire en dehors de porter son appareil photo autour du cou, que avec. ».


Projection lors du workshop EXISTENCE réalisé dans la cité du Bois du Temple de Clichy-sous-Bois. Les habitants ont projeté leurs empreintes, messages, dessins sur les murs de leur cité. Juin 2015, © Clément Briend



Il s’explique : la photographie consiste avant tout à « externaliser les signaux qui sont en nous et les représenter en dehors de nous ». Que ce soit avec nos yeux ou avec notre appareil photo, nous appréhendons et façonnons le monde en construisant des représentations. La projection fait sortir l’image du cadre qui la définit pour projeter sur le monde ces représentations, ce qui a deux conséquences :

pour le sujet de la photo. Les images projetées produisent – au sens littéral – un impact sur les surfaces, objets, personnes visés : « Tu prends un objet, tu prends son image et tu vas la transposer sur un autre corps. Et c’est là où il y a un dialogue photographique qui dépasse simplement le fait de projeter une image pour la montrer puisque l’image vient se confondre avec un autre corps. », développe Clément.

pour le spectateur, une immersion facilitée dans l’espace de projection mentale instauré par la photo.

En bref, « la projection permet de rendre existant un sujet ».



« À la surface de la ville, des mots ». Projet de tags éphémères qui permet d’appréhender l’environnement urbain sous un autre jour, en questionnant par les mots sa configuration et son usage. Paris La Défense, 2016, © Clément Briend


Explorer les usages de la projection photo

Avec un tel engin entre les mains, l’imagination déborde : expos sauvages, happening visuel, réalisation de graffitis grand format sans avoir à construire une installation bancale de vidéoprojecteurs au milieu de la rue, (lasuiteestàvous). « Comme l’objet intéressait beaucoup les gens, je me suis dit que maintenant l’étape c’était de ne plus être le seul à défendre ça, mais d’engager une pratique. », raconte le photographe.

Un objet qu’il image entre les mains d’artistes visuels, d’organisateurs d’événements, et bien sûr de photographes, surtout ceux qui oeuvrent dans le champ du documentaire : « Dans les travaux de photo documentaire, leurs auteurs considèrent que ce qui compte, c’est de rendre existant le sujet dans une image en la montrant. Redonner une existence par la vision, bah c’est le boulot de la projection. ».



Projection d’images (vernaculaires, reportages, studio) collectée auprès de la population népalaise par le collectif de photographes népalais Photo Circle sur les murs et les amas de gravas qui résultèrent du tremblement de terre de 2015. Kathmandou, Népal, 2016, © Clément Briend


Mais difficilement entre celles de tout le monde, même si cette idée le fait sourire : « Cet objet, c’est pas du numérique, ça pose des contraintes auxquelles les gens ne sont pas habitués. », analyse-t-il. Même si aujourd’hui, on peut transformer ses photos numériques en diapo en quatre, cinq jours grâce aux labos en ligne, la temporalité de la manoeuvre exige une certaine préparation. Et puis, bien qu’abordable, dépenser 220€ exige tout de même de savoir ce qu’on veut faire de l’objet : « C’est un projecteur qui demande d’avoir un projet », résume Clément, avant d’ajouter : « la subversion du truc c’est que moi je vais le filer à d’autres, j’aurais pas de contrôle sur son usage. Il peut se passer beaucoup de merde. C’est mon tempérament un peu pirate : je me pirate moi-même. ».

Mais pour lui, le jeu en vaut la chandelle et renvoie à la manière dont les usages et pratiques sont structurés par la recherche de nouveaux outils : « on peut faire le parallèle entre l’état de la projection aujourd’hui et l’état de la photographie à la fin du XXème siècle. Jusqu’au moment où il y a eu un petit appareil photo qu’on a tous pu ranger dans nos poches, la photo est restée un truc encore assez contraignant et dont les usages étaient encore peu explorés. ». Clément a fait l’état des lieux de la projection et en attendant que le smartphone de Mr. Dupont lui permette de projeter son clavier, ses vidéos et tout ce qu’il veut quand et où il veut, Clément, lui, propose la version pro.


Pour en savoir plus sur le VISIO, vous pouvez :

– soutenir le projet sur Kickstarter d’ici le 20 juillet 2017

– visiter le site conçu par Clément Briend, « We Are Projectors » qui présente le VISIO, donne un aperçu des travaux, projets et workshops de Clément avec le VISIO et autres projecteurs, et pour ceux qui voudraient s’y mettre, il fournit tous les plans et liens utiles.