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Japon : y a-t-il une photogénie de la catastrophe ?

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Le territoire japonais a été touché par une série de catastrophes d’une ampleur impressionnante : explosions nucléaires, séismes, tsunami et, très récemment, la fuite de la centrale de Fukushima. Les photographes japonais ont-ils pu se relever de tels traumatismes pour créer des œuvres dépassant la fonction documentaire de la photographie ?

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Quelques heures après l’explosion nucléaire du 6 août 1945, le photographe Yoshito Matsushige arpente les rues dévastées de Hiroshima. Mais ne parvient à prendre que quelques clichés malhabiles. Il justifie ainsi son impuissance à photographier : « On avait les yeux qui se détournaient, c’est tout. Ce n’était pas une situation où l’on pouvait regarder les choses en face. »

Vingt ans plus tard, les choses et les corps peuvent se regarder en face. Et Shomei Tomatsu est déjà une figure importante de la photographie japonaise lorsqu’il publie, en 1966, 11.02, Nagasaki (11.02 désignant l’heure exacte de l’explosion figée pour l’éternité sur une montre dont la photographie ouvre le livre). L’âpreté des contrastes brûle le regard du spectateur. Les noirs et blancs sont si tranchés qu’ils semblent restituer les éclairs aveuglants de l’explosion. Ni complaisance ni impudeur dans les images de Tomatsu : une vérité forte et nue (en français, photographie signifie écriture avec la lumière, en japonais, copie de la vérité).

Shomei Tomatsu

Shomei Tomatsu

Shomei Tomatsu

Shomei Tomatsu

Le 17 janvier 1995, un tremblement de terre dévaste la ville de Kobe et ses environs. Pertes humaines et dégâts matériels sont considérables. Ryuji Miyamoto est alors un photographe spécialisé dans l’architecture et la transformation du tissu urbain. Il intitulera son travail sur les ruines de Kobe Architectural Apocalypse. Un univers silencieux, en équilibre. Des immeubles effondrés comme des sculptures anonymes. Un monde flottant sur lequel dérivent des constructions en morceaux.

Ryuji Miyamoto

Ryuji Miyamoto

Ryuji Miyamoto

Ryuji Miyamoto

Naoya Hatakeyama présentait ces jours-ci à Lille son ouvrage à propos du tsunami survenu en mars 2011. Son village natal y a été englouti et sa mère n’a pas survécu. Mais on peut dire que la série précédente de Naoya Hatakeyama se posait déjà comme une métaphore de la catastrophe (naturelle ou résultant de l’activité humaine). Blast capture l’instant où des explosifs destinés aux explorations minières soulèvent la terre. Roches et poussières se volatilisent. Bien que montrant des explosions provoquées, c’est comme si, dans ces images, les forces telluriques se rebellaient et dévoilaient leur puissance. Mais il y a aussi la beauté de cette destruction en suspens, celle qu’on retrouve dans la fin du film D’Antonioni, Zabriskie Point.

Naoya Hatakeyama

Naoya Hatakeyama

Naoya Hatakeyama

Naoya Hatakeyama

Alors, il serait presque cynique de prétendre que les japonais ont su tirer un parti esthétique de ces évènements douloureux. Mais leur force (et ce n’est probablement pas qu’une spécificité japonaise) est d’y faire face et de trouver des moyens plastiques pour témoigner et conjurer. Déjà, la prochaine génération sait qu’elle devra faire de Fukushima sa matière de travail.

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Bruno Dubreuil enseigne la photographie au centre Verdier (Paris Xe) depuis 2000. Il se pose beaucoup de questions sur la photographie et y répond dans OAI13.

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